Suite de notre série de sujets sur les violences faites aux femmes, nous vous présentons
Cheick Tidiani Diallo, Manager d’entreprise, et membre actif de la société civile malienne. Le développement de la communauté, et de sa famille est sa mission principale. Depuis le 5 février 2015, date de la mort de Mariam Diallo sa sœur, il est membre du mouvement Halte aux Violences Conjugales (HVC), aux côtés d’autres jeunes hommes et femmes. Le mouvement en question lutte pour informer, sensibiliser sur les violences conjugales. Il accompagne également les victimes à dénoncer les auteurs et œuvre pour que les lois soient mises en œuvre et renforcées. Tidiane a accepté de répondre aux questions de maliennemoi, dans le cadre de la semaine orange contre les violences faites aux femmes.
Ce n’est pas courant de voir les hommes s’afficher dans ce type de lutte, pourquoi ce choix Tidiane?
Disons qu’il faudrait que beaucoup plus d’hommes soient impliqués. Il y en a mais pas assez.
Quel a été le déclic?
Le déclic a été le nombre incalculable de témoignages, et d’images reçus à la suite de l’assassinat de ma sœur par l’individu avec qui elle était mariée et qui était chargé de la protéger. J’ai alors compris que le problème était endémique et qu’il fallait œuvrer à sauver les trop nombreuses victimes des violences.
Après ce drame, quel est le conseil que tu donnes aux femmes violentées ou à leurs proches?
Il faut que la parole se libère, que l’omerta sur la question des violences cesse. Il faut comprendre que la violence n’est pas seulement physique, elle est aussi morale. La famille doit jouer son rôle tout autant que les chefs religieux et coutumiers pour les protéger.
Peut-on dire que vous êtes devenu un confident pour certaines victimes?
J’en rencontre plusieurs fois par semaine. A force de discuter, elles comprennent qu’elles ont besoin de se confier à des personnes qui ont le recul nécessaire pour apprécier leur situation à sa juste valeur.
Pouvez-vous nous décrire les types de violences qu’elles subissent?
Comme évoqué précédemment, elles subissent des violences tant sur le plan corporel que moral et psychologique. Certaines vivent l’enfer sur terre.
Un cas qui vous a particulièrement interpellé depuis que vous militez contre les violences faites aux femmes?
Tous les cas sont assez graves et la gravité dépend de la personnalité des personnes violentées et leur capacité à subir. Je suis donc mal placé pour apprécier le degré de gravité. Disons que certaines se retrouvent traumatisées à vie, certaines perdent un enfant parce qu’elles se sont fait frapper enceintes, d’autres subissent des séquelles corporelles inversibles, etc.
Au niveau de la justice comment sont pris ces cas de violences?
La justice est encore assez timide sur ces cas. Les lois réprimant les violences existent mais peinent à être mises en application. Nous travaillons à ce que cela change.
On se rappelle une des marches de protestation suite à la mort de dame Kamissa, au cours desquelles des élues avaient promis de porter le sujet au niveau de l’assemblée, qu’en ai t-il?
En effet, promesse a été faite, cette proposition n’a toujours pas été portée mais nous ne désespérons pas de la voir faire son chemin.
Y’a t-il eu un cas porté devant la justice qui vous a satisfait ? pourquoi?
La finalité, même quand elle aboutit à un divorce ou une forte prise de conscience, n’est jamais réjouissante parce qu’il ne faut pas oublier toutes blessures subies antérieurement, qui ne disparaissent pas toutes. Certaines femmes ont été très courageuses et ont décidé de prendre leur vie en main en prenant des dispositions légales pour se protéger, souvent contre l’avis des familles et proches.
Comment vos proches perçoivent votre engagement?
Positivement je crois, sauf que c’est au détriment du temps passé en famille.
On sait que dans la société malienne il faut évoquer ce sujet avec assez de diplomatie ; Certains ne vous ont pas traité de briseur de foyer?
En effet, le sujet n’est pas toujours évident à évoquer mais il y a beaucoup de mieux. Certains s’inquiètent que cela brise un foyer mais il faudrait chercher la source ailleurs que vers celles et ceux qui œuvrent à sauver une vie. Les gens ont souvent tendance à vouloir jeter sur les autres les raisons de leurs propres erreurs.