Avec ce tableau qui a éveillé et éveille encore des générations d’admirateurs, Mariam Ibrahim Maiga pose avec des bonnes intentions une question cruciale et éternelle: quel avenir pour la civilisation Malienne en proie à une rébellion depuis son indépendance?
Qu’attendre en effet de la solidarité et l’entraide en cas de conflit ?
Dans ce Chef-d’œuvre, la toile vit autant que son auteur. A vouloir toujours faire mieux, à la recherche de l’absolu, la peintre finira par obtenir après maintes couches, recouches et retouches un chef-d’œuvre, dit-elle, motivée par sa passion de voir une société malienne déchirée par des crises intempestives, se retrouver et se réconcilier. Le tableau peint, concentre sans détours toute notre attention, toute curiosité, qui nous fait presque partager les envolées du peintre.
Expliquant sa motivation et son inspiration, l’artiste trouve que depuis le début de la crise du Nord malien en janvier 2012, on a connu non seulement un véritable effritement des liens sociaux et des rapports conviviaux qui existaient jadis entre différentes communautés du Nord, mais aussi une méfiance à l’endroit des communautés «blanches» dans le reste du pays. Aussi, de nombreuses familles arabes ou touarègues étaient obligées de partir loin de la capitale pour éviter un amalgame pouvant entraîner une atteinte à leurs biens ou à leur personne. Cependant, avec la solitude qui se lit dans le fond de leurs yeux, nombreux sont ceux qui sont restés, mais qui vivent sous l’emprise de suspicions et autres préjugés venant de certaines personnes xénophobes.
Au regard de cette situation, l’artiste a vu son oncle Baba Dicko, stigmatisé par sa couleur (teint clair) confondu avec les touaregs rebelles, battu à mort et perdant du sang par la haine. A travers ce tableau peint, Mariam Ibrahim Maiga veut amener les populations maliennes à prendre conscience de l’ampleur du problème de la stigmatisation; d’orienter les leaders communautaires, les femmes et les jeunes à s’impliquer davantage dans la lutte contre la discrimination des populations du Nord; et à contribuer au rapprochement des communautés en vue de consolider le tissu social.
A la vue de l’œuvre, l’on est vite frappé par les idéogrammes en fonds, le regard se concentre longuement sur les caractéristiques des traits du visage (le front, le nez, la bouche, le menton, la barbe, les yeux) et passe très vite sur le reste du corps: «un sentiment de révolte». Le personnage est donc « enchâssé ou camouflé » par son «paraître» constitué par son statut social autant que le signe d’une époque. Tout l’intérêt se porte sur les traits du visage et on sait l’importance accordée par l’artiste.
Sur le fond du tableau, la réflexion est intéressante, car la dégringolade de Baba montre le côté vain et cruel de notre “société du spectacle” qui privilégie les apparences au détriment de l’humain. L’auteur définit trois niveaux d’existence: le corps, la conscience et le discours; le troisième dominant les deux autres car «nous sommes ce dont les autres parlent».
A une époque où l’apparence semble compter plus que tout, l’auteur reconnait que la beauté a son importance. Elle est ce que l’on voit en premier chez une personne. Elle est un sourire, un rire, une intonation, un regard, une voix, un toucher… Certains voudront être aimés pour ce qu’ils représentent et d’autres pour ce qu’ils ressentent. Le mieux n’est pas de l’être pour ce que nous sommes ?
Or ne faut-il pas s’alarmer lorsque, systématiquement et instantanément, l’opinion répandue sur une personne ou un événement prend le pas sur la réalité de son sujet? Ce chef d’œuvre nous aide à regarder au-delà des apparences.
L’expression que dégage ce tableau est qu’aujourd’hui, cette situation reste inconfortable à plus d’un titre quand on sait que le Mali est un pays où diverses ethnies ont toujours cohabité ensemble sans briser les liens qui les ont toujours unis. Cette crise qui secoue le pays, particulièrement au Nord, a engendré beaucoup de problèmes dont celui du racisme. L’occupation du Nord, qui a obligé beaucoup de personnes à se déplacer ou à se réfugier, est en train de prendre d’autres dimensions. Ces personnes à la «peau blanche» sont indexées et traitées indifféremment, souvent comme des bandits ou des rebelles, et cela, dans leur propre pays. Mais les citoyens doivent comprendre que si ces personnes ont fui le Nord pour venir se réfugier au Sud à «Bamako» et ailleurs, cela veut dire qu’elles veulent la paix et la liberté. Elles doivent donc être bien accueillies pour qu’elles oublient les déceptions et les atrocités dont elles ont été victimes au Nord.