La question suscite un débat sur les réseaux sociaux depuis la publication en début de mois d’un billet de MyMy Konaté, journaliste animatrice, sur sa page Facebook. Comme un effet de boomerang, et comme si toute une génération « réseaux sociaux » était en quête d’une voix pour crier haut et fort ce qui se dit au fond de chacun. Cet épiphénomène amène certains, qu’ils soient au volant de leur voiture, à moto, dans leur lit, ou même dans leurs lieux de travail, à en faire un sujet de conversation. En effet, le sujet occupe toutes les pensées à tous moments de la journée.
Mme Konaté ayant ouvert le débat, chacun y va de son point de vue, son expérience ou sa solution pour le bien-être personnel d’abord. En quelques heures sa publication a été partagée par une trentaine de comptes, comme pour dire qu’une prise de conscience est là pour la consolidation des liens familiaux basée sur l’amour et non le matériel.
Cette solidarité qui nous tue à petit feu
Sous d’autres cieux décrocher un boulot est une situation qui nous met la plupart du temps à l’abri du besoin : meilleures conditions de vie, solvabilité et possibilité de crédit bancaire, assurance maladie, etc. Au Mali c’est la chronique d’une misère annoncée, le début de votre calvaire ! Plus de dispense pour vous concernant les dépenses. Vous devenez la poule aux œufs d’or. Et ce n’est pas que des œufs dont on vous dépouillera, on voudra vous arracher jusqu’à la dernière plume. N’espérez surtout pas faire des économies. Un problème en remplacera toujours un autre et pas forcément que le vôtre.
Parce que c’est ainsi que se traduit la fameuse et légendaire solidarité malienne. Osez la critiquer et on vous taxera de renier votre culture. Une culture qu’on évoquera à chaque fois qu’on aura besoin de vous. Jamais quand c’est l’inverse.
Cette solidarité qui nous oblige à dépenser pour :
- le énième enfant de la troisième femme du cousin au chômage qui vit sans stress,
- le neveu venu du village dont vous payez les études mais qui pourtant passe ses journées au grin et ses week-ends à fumer la chicha,
- cette tante désignée marraine pour la sixième fois et qui ira distribuer votre salaire durement gagné a une griotte qui ne se souviendra plus de son nom la minute suivante,
Pour ces nièces et neveux de l’ami de votre grand-mère, qui vivent chez vous au frais de la princesse et qui ne se disent jamais que les commodités ont un prix. Qui ne se demandent pas comment vous arrivez à faire bouillir la marmite tous les jours, que les aides ménagères qui leur facilitent le quotidien ont un ” salaire” aussi maigre qu’il soit, que l’eau, l’électricité et même le spiros pour faire évacuer leurs cacas sont facturés.
Sans compter les nombreux check-points douanier érigés sur votre route par les “vieux” et “vielles” du quartier qui se disent que si vous en êtes arrivé là c’est grâce à leurs bénédictions. Forcément, vous leur devez un petit geste. Eux se chargeront de vos dernières petites monnaies.
Ah j’oubliais ! il y’a aussi ces chers voisins qui s’imaginent que vous n’êtes jamais dans le besoin et que c’est impossible pour vous de ne jamais être à court d’argent. Ah ! qu’elle est belle cette solidarité qui vous aspire à petit feu.
Je vous laisse compléter le reste de la liste et prendre connaissance des réactions ci-après.
Lareine De Saba Siby Merci Mymy Konate. Pas plus tard qu’hier, j’ai une tante qui m’envoie un message qu’elle n’a pas 1 franc pour sa tontine. Je lui explique mon impossibilité, étant mère célibataire avec de grands enfants, confrontée aux rentrées scolaires avec mon maigre salaire d ‘handicapée. Je vais même jusqu’à lui dire que j’ai pris l’argent de mon potager pour habiller ma fille et acheter ses fournitures scolaires, sachant que je suis payée après le 8 de chaque mois. Elle me répond qu’elle a dit à la cheffe de tontine qu’elle ramènerait ses 100 000 Fcfa le 10. Billaye ! Je voulais lui donner 25 000 Fcfa mais elle aura zéro Fcfa. Je lui ai dit que je ne suis pas une banque ambulante. Elle est restée calme et attend le 10…
Megui Sacko Lareine De Saba Siby Quand la tontine sera ramassée j’espère qu’elle pensera à vous.
Kadia Doumbia Hé wallaye Mymy tu as tout dit ! C’est pourquoi je me pose la question sur l’utilité d’un Ministère dédié aux femmes, mais qui n’arrive pas à les sensibiliser sur ces pratiques malsaines qui sont un frein pour leur autonomisation financière. Que dieu nous aide !
Cheick Ould Albina Je ne pense que ce soit ni possible, ni intelligent de mettre fin à cette solidarité. Dans les pays “de référence”, l’Etat assure ce rôle de solidarité. Ici, l’Etat est absent et le seul recours à nos pauvres, ce sont leurs parents/voisins les plus aisés. C’est une question de survie. Et il faut se dire qu’un jour, je pourrai avoir besoin de ce retour de l’ascenseur d’une manière ou d’une autre.
Mariam Inna Kanouté Cheick Ould Albina, vous vous trompez lourdement. Au contraire, ça crée des vauriens, le fougariya (la paresse), des gens qui ne font rien et comptent sur les autres. C’est aussi ce comportement qui entretient la corruption parce que la pression sociale est si forte que certains dépensent plus qu’ils ne peuvent gagner. La vraie gangrène sociale du Mali.
Fatim Sidibe Rien à dire Mymy Konate on travaille ici pour faire plaisir aux autres et gare à toi si jamais un problème t’arrive c’est là que tu sauras que tu es seul.
Fatimata Sidibé Wallaye togoma (je te jure mon homonyme) ! Moi j’ai arrêté ça aména (depuis longtemps). Maintenant je ne pense qu’à moi et à mes enfants un point c’est tout. On passe toute notre vie à satisfaire les autres (famille et belle-famille) et que l’avenir de nos enfants ?
Mohamed Dayfour Merci Mymy. Tu viens de poser le doigt sur l’hypocrisie qui entoure le système de solidarité malienne. Une société dépensière et vaniteuse qui ne pense pas à l’avenir. Tout cela est structuré et bien mis en scène sur le dos de la tradition.
Marian Amty Sylla Et cette solidarité ne nous garantit même pas la joie ni la satisfaction, et encore moins le bonheur. En réalité, cette solidarité développe la paresse, donc bonjour les vices.
Rafetna Maiga Marian Amty Sylla, je t’assure et ces mêmes personnes sont là à observer ce que ton travail t’a permis de réaliser. Pour la paresse, c’est le fait de mettre la pression sur un gros gaillard pour qu’il se marie alors qu’il ne fait rien, n’a pas de revenu. On lui donne une femme sur un plateau d’argent, et par conséquent na songo (au prix de condiments), on gère tout pour lui. Et vous croyez qu’il va se grouiller pour chercher job ???
Khadija Diallo Je crois que c’est un problème qui concerne plusieurs pays africains. C’est un grand débat où il y a beaucoup à dire. Il doit avoir des campagnes d’éducation et de sensibilisation afin que chaque africain comprenne que la pomme de son frère n’est pas sa pomme. C’est long et pas gagné d’avance !
Diadie Sama Et vers la fin, quand tu n’y arrives plus car ta petite famille grandit, on te sort les phrases dignes d’Oscars de l’ingratitude : I filila i yairai ma, i changera, (tu as changé), I beka kai mogo jugu ye, (tu deviens méchant), I ma kai i fa ye (tu n’es pas comme tes parents). Ma conscience a donc fini par me pardonner. Après analyse, pour aider les autres, il faudrait arriver à s’aider soi-même d’abord ! Mymy tu as réveillé les démons des gens dai !!!!!
Ina Aly Diadie Sama, tu as encore de la chance si on ne dit pas que tu es mousso djougou (épouse méchante) car le mari n’arrive pas à joindre les deux bouts. Allah facilite !!!
Mariétou Mariette Dicko Il suffit de dire non ! C’est un droit. Ceux qui nous aiment restent, les autres disparaissent… Et la vie continue… plus simple et plus saine.
Abdoul-salam Hama C’est aussi l’une des principales causes de la corruption. Un fonctionnaire qui gagne 300 000 Fcfa/mois, il doit régler ses propres problèmes et ceux de sa famille élargie, il est souvent forcé d’être malhonnête pour couvrir le mois.
Pour ne citer que quelques-unes des réactions précédentes, on peut se rendre compte que les maliens en on marre de cette soit disant solidarité qui ne s’intéresse qu’au portefeuille des uns et des autres et même les relations les plus fraternelles en souffrent. Et au moment où chacun crie à la corruption, nous oublions que nous prenons tous part, d’une manière ou d’une autre, à ce phénomène, exigeant de nos conjoints, conjointes, frères et sœurs, plus qu’ils n’en reçoivent. Notre bonheur est matériel malheureusement et de plus en plus.