La teinture artisanale du Bazin est pratiquée par de nombreuses femmes au Mali. Le centre artisanal de teinturerie de Djanéguela dans la périphérie de Bamako, accueille environ 200 teinturières. Nous avons essayé de comprendre les conditions hygiéniques et sanitaires auxquelles les teinturières sont exposées.
Dans ce centre, le Bazin, un tissu de couleur blanche est teint dans diverses couleurs. Le gros du travail est accompli par des ouvrières sous la supervision des chefs, toutes des femmes. « J’ai 10 jeunes femmes qui travaillent pour moi », nous révèle Hawa N’Diaye.
Pour obtenir une couleur, ces jeunes femmes utilisent de l’indigo. Elles versent dans de l’eau bouillante la couleur d’indigo souhaitée avant d’y tremper le tissu blanc qu’elles remuent à la main, à l’aide d’une simple paire de gants en plastique, avant d’y ajouter du carbonate de potasse. Des produits chimiques qui ne sont pas sans conséquence, selon le Dr Kalifa Keïta, médecin généraliste : « Ces femmes ont généralement des problèmes respiratoires. Elles font également des réactions allergiques. On constate des sinusites et des migraines persistantes. Il y a aussi des cas de bronchite et brulures au niveau des yeux. »
A l’Institut d’Ophtalmologie Tropicale de l’Afrique de l’Ouest (IOTA), de nombreux cas de maladies oculaires sont répertoriés chez les teinturières. « Le gaz des produits chimiques qu’elles utilisent sont très néfastes pour la vision. Certaines arrivent ici alors qu’il est déjà trop tard », indique l’ophtalmologue Sidi Adjawiyakoy. Certaines sont bien conscientes des conséquences décrites par les médecins, mais affirment ne pas avoir de choix. « Cette activité nous permet de subvenir à nos besoins », se justifie Batoma Traoré. Pour elle, il suffit de boire un verre de lait la nuit pour éliminer les conséquences de l’exposition à ces produits toxiques.
Une affirmation que rejette Fatoutama Konaté : « J’ai vu une ancienne teinturière tousser et vomir plusieurs années après avoir arrêté ce métier. Les conséquences finissent par se manifester ». « Nous avons besoin de protéger le nez, les mains et les pieds », ajoute Rokia, une autre ouvrière remuant un tissu dans le colorant, tout en aspirant la forte odeur d’indigo.
Malgré les risques de l’activité qu’elles exercent, les teinturières ne tirent de leur activité que de misérables revenus. Elles sont payées entre 500 et 2000 FCFA par jour, alors que le secteur semble pourtant bien porteur. « Nous achetons un ballot de Bazin à 450.000 FCFA. On le met à la teinture à 140.000 (frais des produits, et main-d’œuvre). Souvent nous pouvons dégager un bénéfice de 150.000 FCFA, voire plus », confirme Hawa N’djaye, entrepreneure dans le secteur.
Bien que très rependue en milieu féminin au Mali, la teinturerie artisanale évolue toujours dans l’informel. Cela malgré la présence remarquable du pays sur le marché de la sous-région en matière d’exportation de Bazin teinté.
Je pense que l’ état doit s’intéresser au sort de ses ouvrières qui en plus de recevoir des salaires misérables sont les victimes de maladies et souvent d’accident. Je propose qu’un décret soit voté dans ce sens afin de regulariser cette activité et de mieux contrôler le secteur de la teinture.